Avion écologique : un futur proche ou une utopie idéaliste ?
Avion électrique, avion à hydrogène, avion volant à l’huile de friture recyclée : les solutions pour rendre l’avion neutre en carbone ne semblent pas manquer. Mais sont-elles réalistes ? Et surtout arriveront-elles assez rapidement pour nous éviter de devoir changer nos usages ? Pouvons-nous continuer à voler en toute innocence en attendant que la technologie de l’avion vert arrive sur le marché ? Dans cet article, je dresse l’état des lieux du défi que constitue encore aujourd’hui l’avion écologique.
- Les avions électriques ou avions à hydrogène
- Quelle est la différence entre un avion électrique et un avion à hydrogène ?
- Les limites technologiques de l’avion électrique
- La production d’hydrogène, vraiment verte ?
- L’avion à hydrogène implique de rénover la totalité de la flotte aérienne
- Les avions alimentés par des carburants alternatifs sans énergie fossile
- Que faire en attendant ce potentiel avion écologique ?
- Avons-nous vraiment besoin de l’avion écologique ?
Les avions électriques ou avions à hydrogène
Quelle est la différence entre un avion électrique et un avion à hydrogène ?
Les deux types d’avions sont en soi des avions électriques : la seule différence réside dans la façon d’alimenter le moteur électrique.
Quand on parle d’avion électrique, on pense plus naturellement à un avion avec une batterie, comme pour une voiture. Or, cette batterie peut être remplacée par un réservoir d’hydrogène et une pile à combustible permettant de transformer l’hydrogène en électricité.
Les limites technologiques de l’avion électrique
Il est peu probable que la version avec batterie arrive avant son homologue à pile à combustible. En effet, la technologie actuelle de batterie ne permet pas d’envisager des réservoirs d’énergie assez légers pour être embarqués dans des avions commerciaux. C’est pourquoi les constructeurs aériens, dont Airbus, misent plutôt sur l’hydrogène et la pile à combustible comme futur du secteur de l’aviation.
Toutefois, l’hydrogène pose encore un certain nombre de challenges techniques qui confirment qu’il ne faut pas attendre sa mise en service avant… 2035. Et encore, à cette date, il ne serait potentiellement commercialisé que pour des liaisons court-courrier qui pourraient notamment être effectuées en train. Pour les vols long courrier à hydrogène, l’avion écologique va sûrement se faire attendre encore plus longtemps.
Le souci principal que pose l’hydrogène aux constructeurs aéronautiques, c’est sa faible densité comparée à son homologue kérosène. Ainsi, il faudrait 7 litres d’hydrogène gazeux comprimé à 700 bars pour remplacer 1 litre de jet fuel. Pour améliorer ce ratio, il est possible de liquéfier l’hydrogène et de le maintenir à la température de -253°C. Mais, même si nous parvenons à concevoir un avion avec un réservoir d’hydrogène liquide, il faudrait toujours en embarquer 4 fois plus que du kérosène.
Malgré ces limites technologiques apparentes, Airbus espère commencer des essais avec un A380 modifié et agrémenté de réservoirs d’hydrogène liquide en 2025. Il s’agit bien d’un début d’essais, pas d’une commercialisation, qui elle, n’aurait pas lieu avant 2035, pour les promesses les plus optimistes du constructeur aérien.
Même si l’avion à hydrogène finit par arriver, encore faut-il développer toute une filière de production et de distribution d’hydrogène liquide : un beau défi technique à relever et qui, à mon avis, risque de prendre du retard…
La production d’hydrogène, vraiment verte ?
En parlant de production d’hydrogène, quelle est la situation actuelle ?
Actuellement, en France, l’hydrogène pour le secteur des transports représente une part ridicule avec moins de 1000 véhicules immatriculés (bus, poids lourds, voitures). Pourtant, les médias semblent lui accorder une place essentielle dans l’avenir du secteur des transports.
Déjà, il faut savoir que l’hydrogène ne se trouve pas dans la nature tel quel. Il faut le produire à partir d’une source initiale : des hydrocarbures, du méthane ou encore de l’eau.
Là où le bât blesse, c’est que l’hydrogène utilisé actuellement dans le monde pour l’industrie est produit majoritairement à partir d’énergies fossiles. Pour obtenir de l’hydrogène de façon décarbonée, la seule technique qui nous connaissons actuellement, c’est l’électrolyse de l’eau, qui consiste à casser la molécule d’eau pour en extraire l’hydrogène, avec de l’électricité. Cette technique de production n’est d’ailleurs décarbonée qu’à une condition : que l’électricité utilisée dans le processus soit produite à partir d’énergies renouvelables. C’est donc un peu le même enjeu que pour les voitures électriques qui polluent (beaucoup) plus dans un pays où l’électricité est produite à partir de charbon.
Au niveau mondial, la production d’hydrogène carboné à partir de ressources fossiles (méthane et hydrocarbures essentiellement) représente 99,3 % de la filière. Les 0,7 % restants correspondent à de l’hydrogène produit de la même façon, mais avec une technique de captage des gaz à effet de serre émis pour éviter qu’ils ne soient relâchés dans l’atmosphère. L’électrolyse de l’eau ne représente donc qu’une part ridicule de la production d’hydrogène dans le monde (0,04 % en 2021) ! Nous sommes donc très loin de disposer d’une vraie filière d’hydrogène décarboné, d’autant plus si la demande augmente rapidement pour alimenter les avions écologiques.
N.B. Toutes les informations de cette sous-partie proviennent de l’épisode de podcast sur l’hydrogène vert de « The Big Shift », que je vous recommande d’écouter si le sujet vous intéresse.
L’avion à hydrogène implique de rénover la totalité de la flotte aérienne
Supposons tout de même que nous parvenons à développer rapidement une filière d’hydrogène décarboné et des avions acceptant ce type de carburants.
Il reste néanmoins un gros souci pour le développement de l’avion à hydrogène, partagé avec les voitures électriques : il faudrait rénover la totalité de la flotte aérienne.
En un mot : « jeter » tous les avions actuels et en reconstruire de nouveaux. Avec un carburant moins dense, il faudrait probablement redesigner les avions. Dans tous les cas, même si les ingénieurs arrivent à conserver les carcasses des avions actuels, toute la partie motorisation (moteur, stockage de carburants) est à renouveler.
Et là se pose un autre problème : l’impact sur l’environnement de l’extraction des matières premières, notamment les métaux, et de la fabrication de ces nouveaux moteurs d’avion.
Pollution de l’eau, émissions de gaz à effet de serre, déforestation, artificialisation des sols, impact sur la santé humaine pour les travailleurs des mines : l’extraction de métaux (terres rares, lithium, cobalt) est loin d’être toute rose. Pour plus d’informations sur le sujet, je vous recommande l’infographie de l’ADEME sur les métaux.
À lire aussi : découvrez qui pollue le plus entre le ferry et l’avion. La réponse pourrait vous surprendre !
Les avions alimentés par des carburants alternatifs sans énergie fossile
Certes, l’avion à hydrogène ne vous emmènera pas demain à New York. Toutefois, comme pour les voitures à essence, il est possible de faire appel à des carburants alternatifs pour faire voler les avions. Bonne nouvelle : dans ce cas-là, pas besoin de reconstruire un avion de zéro ! Les appareils actuels peuvent déjà embarquer des carburants SAF (Sustainable Alternative Fuel), élaborés à partir de ressources non fossiles. La clé de l’avion écologique se trouve-t-elle dans cette technologie ?
Aujourd’hui, les SAF (Sustainable Alternative Fuel) sont principalement des agrocarburants (aussi appelés biocarburants). Il en existe de 2 types :
- Les agrocarburants de première génération sont faits à partir de matières premières agricoles que nous pourrions utiliser pour nous nourrir : huile de palme, huile de colza, canne à sucre ;
- Les agrocarburants de deuxième génération sont fabriqués à partir de déchets agricoles ou alimentaires (huile de friture recyclée, tiges de plantes).
Le souci avec les agrocarburants de première génération, c’est qu’ils entrent en compétition avec l’alimentation humaine. Il faudrait donc augmenter la surface agricole sur la planète et pour cela, pas de secret : déforester. Déforester, c’est détruire des écosystèmes riches en biodiversité et des puits de carbone, pour un bilan carbone final pire que les combustibles fossiles. Oups…
Les carburants de deuxième génération n’imposent pas plus de surfaces de terres cultivées : bonne nouvelle ! Seulement, comme avec l’hydrogène, les filières de collecte et de raffinerie sont encore à construire. Même avec les infrastructures nécessaires, il est probable qu’il n’y ait pas assez de matière première pour remplir les réservoirs des avions et qu’il faille encore trouver des sources alternatives. Aujourd’hui, nous ne sommes ainsi capables de produire que 1 % des besoins du transport aérien avec ce type de carburants. Les prédictions de l’Agence internationale de l’énergie projette une part de production à 20 % en 2040 : loin de l’objectif d’un avion neutre en carbone.
C’est sans parler du coût de ses solutions. Les agrocarburants coûtent 4 à 8 fois plus chers que le kérosène. Air France a d’ailleurs déjà été contraint de répercuter le prix des 1 % de biocarburants utilisés sur les billets.
Quand le chiffre sera porté à 20 %, nous arriverons donc à un système encore fortement polluant, mais réservé à une population de plus en plus aisée et privilégiée. Avion écologique et justice sociale semblent définitivement incompatibles.
Que faire en attendant ce potentiel avion écologique ?
Il ne nous reste donc plus qu’à attendre l’avion vert, non ? Le problème, c’est que nous n’avons plus le luxe d’attendre. Le dernier rapport du GIEC révèle que, si nous ne faisons rien, d’ici 2035, la hausse de température se situera déjà au-delà de 1,5 °C, objectif que les États se sont engagés à ne pas dépasser en signant l’Accord de Paris.
L’ADEME est de plus formelle sur ce point. Dans son étude « Transport aérien : 3 scénarios pour une transition écologique », l’Agence de la transition écologique tire la conclusion suivante : les émissions de GES causées par les vols au départ de la France peuvent être réduites de 75 % d’ici 2050 en actionnant 3 leviers d’actions :
- L’amélioration de l’efficacité énergétique des avions ;
- L’emploi de carburants dits « durables », c’est-à-dire les agrocarburants ;
- La maîtrise et réduction du trafic.
Ce dernier point doit faire grincer les dents des adeptes de la croissance verte, mais c’est le seul levier dont nous disposons à court terme : moins prendre l’avion.
Avons-nous vraiment besoin de l’avion écologique ?
Les usages nécessaires
Suis-je en train de prôner le fait d’arrêter du jour au lendemain les investissements sur l’avion décarboné ? Je n’irai pas jusque là, même si je pense que certains enjeux sont bien plus importants pour la construction d’un futur durable que le fait d’avoir un avion au bilan carbone neutre pour emmener les influenceurs à Dubaï et les nomades digitaux à Bali.
Je grossis volontairement le trait. Le transport aérien continue à avoir des utilisations nécessaires :
- Secours aux victimes ;
- Aide humanitaire ;
- Actions contres les incendies.
L’avion permet aussi de rapprocher des familles éloignées ou d’aller voir ses proches qui vivent à l’étranger. Vivre loin de sa famille n’est pas forcément un choix voulu pour tout le monde ou en tout cas modifiable du jour au lendemain : c’est important d’en avoir conscience.
Les usages qui ne justifient pas vraiment le développement d’un avion écologique
Au-delà des impératifs familiaux et humanitaires, avons-nous vraiment besoin d’aller à l’autre bout du monde en avion pour passer de bonnes vacances ?
Peut-être prendre l’avion vous paraît-il aujourd’hui indispensable, notamment pour l’ouverture aux autres cultures ? Je vous invite à vous demander ce qu’un voyage de 2 semaines en Thaïlande vous apporte réellement de ce côté-là.
- Ce type de séjour ne reste-t-il pas trop court pour s’imprégner de la culture d’un pays ?
- Est-ce en sautant de points touristiques en points touristiques que l’ouverture aux autres se fait ?
- Cela a-t-il du sens de vouloir découvrir les cultures de tous les pays du monde ?
Collectionner les pays comme autant de trophées montrant que vous avez voyagé vous fait sûrement vivre de belles expériences. Mais demandez-vous si vous n’auriez pas pu vous sentir dépaysé sans partir aussi loin, vivre autant d’aventures en parcourant un peu moins de kilomètres.
Si vous êtes véritablement passionné par une culture en particulier, pourquoi ne pas en faire un projet exceptionnel de plusieurs mois en économisant financièrement pour prendre des congés sans solde ou une année sabbatique ? Dans ce cas-là, prendre l’avion pour partir 3 mois vivre au Japon aura beaucoup plus de sens que de s’y rendre seulement pour 3 semaines avec pour objectif d’avoir « fait » le pays.
Et si le fait de réduire son utilisation de l’avion était vu comme une bonne chose ?
À l’heure où j’écris ces lignes, cela fait plus de 3 ans que je ne suis plus montée dans un avion et je n’éprouve aucune envie de remonter dans une cabine pressurisée et de m’envoler à 10 000 mètres au-dessus du sol.
Choisir de ne plus prendre l’avion m’a ouvert de nouvelles manières d’explorer que j’affectionne tout particulièrement :
- Me rendre en Irlande sans avion m’a permis de vivre une aventure incroyable tout en renouant avec les distances. Je me suis rendu compte que cette île qui paraît si proche sur une carte ne l’est pas tant que cela. J’ai aussi appris à laisser une vraie place au trajet dans mon voyage ;
- Après avoir randonné en Islande, en Ecosse, au Canada, aux Canaries et sur l’île de la Réunion, j’ai enfin randonné dans les Alpes ! C’est bête mais j’avais exploré tous ces endroits lointains avant de découvrir les magnifiques montagnes que nous avons la chance d’avoir en France ;
- J’ai encore une multitude d’idées d’aventures aux portes de la France, sans avion. Il me faudrait bien plus qu’une vie pour tout explorer !
- J’ai redécouvert la magie des saisons. Une randonnée sur les sommets alpins en hiver n’a rien à voir avec la même randonnée en été ou avec les couleurs magiques de l’automne. J’ai aussi réappris à m’émerveiller de ces petits détails de la nature, comme lors de notre voyage à vélo dans le Lubéron à l’automne.
Alors, est-ce si difficile de repenser nos usages de l’avion ? Quand je constate l’impact significatif que représente ce changement d’habitude sur l’empreinte carbone individuelle, qui n’impacte que les vacances et pas le quotidien, je me dis que le jeu en vaut la chandelle ! D’autant plus quand on intègre l’idée qu’arrêter l’avion n’implique pas d’arrêter le voyage ! C’est en tout cas ce que je m’efforce de montrer avec toutes les inspirations de voyage bas carbone que je propose sur ce blog !
Découvrez par exemple quelques idées pour vos prochaines vacances :
- Un tour du Lubéron à vélo ;
- La traversée du massif provençal des Alpilles en randonnée de 4 jours ;
- Une aventure à vélo sur la Véloscénie entre Paris et le Mont Saint Michel.
Et vous, pensez-vous que l’avion écologique représente une véritable filière d’avenir pour le secteur des transports ? Racontez-moi en commentaires.
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